Qui dit Halloween, dit forcément films d’horreur. Mais, saviez-vous que ce genre de films est bien plus lié à l’Antiquité qu’on le croit ? Car, oui, les fantômes, vampires, démons et autres personnages terrifiants trouvent des origines très lointaines et ne sont pas nés d’hier. Si j’osais la généralisation, j’affirmerais même que tous les films d’horreur tendant vers le surnaturel ne font que recycler des croyances antiques vieilles comme le monde. Enfin, façon de parler. A travers cet article, partons à la recherche des traces d’Antiquité plus ou moins dissimulées dans vos films d’horreur favoris.
Le folk horror : des rites ancestraux et des cultes païens à foison
Pour certains films, le parallèle avec l’Antiquité saute aux yeux, même sans devoir s’aventurer dans des histoires de fantômes. Par exemple, dans « Midsommar » (Ari Aster, 2019) ou dans « The Wicker Man », (Robin Hardy, 1973), l’histoire tourne clairement autour de rites païens et d’autres réjouissances ancestrales (rendues très glauques). Ce genre de films à l’atmosphère pesante appartient au sous-genre du « folk horror », c’est-à-dire de l’horreur s’appuyant sur divers folklores et légendes souvent mixés ensemble, et côtoyant d’autres mythologies inventées. Dans ce cadre, le modèle de la secte est parfait pour servir l’intrigue et vient souvent côtoyer l’histoire du film : les antagonistes sont ceux attachés aux pratiques antiques, et forment une petite communauté d’illuminés refusant de quitter un passé déjà enterré par le reste du monde.

Par extension et pour faire un raccourci, le mal dans le « folk horror », c’est l’Antiquité et ses pratiques qui refusent de rester dans le passé. Mais, on peut souvent voir dans ces films une réflexion déguisée sur les bons côtés de ce monde d’avant, opposés aux mauvais côtés du monde moderne. Le rôle de l’Antiquité est donc de passer un message, voire une idéologie, et d’arriver à une morale.

Le film d’horreur « antique » bien assumé
Pour d’autres films, la plongée dans le monde antique est encore moins subtile. Par exemple, en 2014, Grégory Levasseur nous propose le très peu mémorable « Pyramide », dans lequel des momies peu commodes sorties de l’Egypte Antique s’en prennent à des archéologues. Le site d’Allociné rapporte que le producteur du film, Scott Silver, a déclaré : « L’histoire de la pyramide est évidemment fictive, mais Alexandre [Aja, le producteur, ndlr] et Grégory [Levasseur, le réalisateur, ndlr] l’ont nourrie de mythologie égyptienne et ancrée dans la riche histoire de la région ». La messe est dite.

Un dernier film d’horreur ne cache rien de ses origines antiques jusqu’à son titre : il s’agit de « La Gorgone, déesse de la terreur » (Terence Fisher, 1964). Comme dans le mythe grec, le monstre féminin change les humains en pierre. Simple, basique, et effrayant, comme en témoigne la photo ci-dessous tirée du film.

Nos amis les fantômes
Et si on parlait de fantômes ? Les esprits de l’Antiquité sont très semblables à nos fantômes effrayants de films d’horreur. L’historien Thomas Marlier explique qu’au vu des sources antiques, les fantômes de l’Antiquité se manifestent presque exclusivement à travers l’ouïe et la vue, ne sollicitant donc pas le toucher, le goût ou l’odorat. Dans les films, les esprits murmurent, crient, apparaissent furtivement en courant, en flottant dans les airs ou en prenant possession de quelqu’un d’autre. Vous l’aurez deviné : dans l’Antiquité, les phénomènes rapportés ne sont pas si éloignés de nos fictions modernes.
Du bruit
Déjà, Ovide rapporte un épisode au cours duquel les ancêtres de Rome sortent de leur tombeau. Il écrit : « Ils se répandirent en plaintes dans la nuit silencieuse ; et à travers les rues de la ville et l’étendue de la campagne, on entendit des hurlements d’âmes dans visages ». Certes, Ovide fait comprendre qu’il ne croit pas à cette nuit des revenants hurleurs, mais l’épisode est néanmoins relaté par sa plume. Pausanias (un géographe de l’Antiquité) évoque lui aussi un épisode dans lequel les morts reviennent en faisant du bruit. D’après lui, il était possible d’entendre des hommes morts au combat continuer de se battre, et des chevaux hennir, près du monument funéraire de Miltiade (qui est, quant à lui, un stratège ayant permis la victoire des Athéniens à la bataille de Marathon). Nous sommes également confrontés à Pline le Jeune qui évoque une maison hantée à Athènes dans laquelle un bruit de chaînes et un son métallique se faisaient entendre chaque nuit. Les films d’horreur se déroulant dans une maison hantée sont indénombrables, j’en citerai donc seulement un en guise d’exemple : « Amityville » (le remake, donc celui d’Andrew Douglas, 2005).

Des paroles
Les fantômes font du bruit, mais ce n’est pas tout : ils parlent. Pausanias (pas le géographe, mais cette fois-ci un général spartiate) raconte être hanté par le spectre de Cléonice, sa victime, lui répétant : « Marche à ton châtiment : c’est un grand mal pour les hommes que la violence ». Encore une fois, le radar à scénario de film d’horreur clignote : le fantôme hantant la personne responsable de sa mort et la persécutant de diverses manières est un personnage récurrent. C’est par exemple le cas dans le film « Urban Legend 3 » (Mary Lambert, 2005). L’histoire est des plus banales : Mary Banner est enfermée dans un local du lycée où elle meurt de faim en 1969. 30 ans plus tard, des adolescents la ramènent d’entre les morts, et Mary se met à traquer les descendants de son meurtrier.

Des apparitions
Nous l’avons bien compris : les fantômes se font entendre. Mais, comme évoqué plus haut, ils ont également la petite manie d’apparaître aux personnes encore en vie. L’auteur Thomas Marlier écrit : « C’est la nuit que les revenants préfèrent déambuler parmi les vivants, mais cet usage n’est pas une règle : certains combattants, à Marathon, avaient aperçu le fantôme de Thésée qui, en plein jour, luttait à leurs côtés ». Un tas d’autres apparitions pourraient être listées, mais nous nous arrêterons à un second exemple : Plutarque rapporte qu’un revenant serait apparu à Dion afin de lui annoncer sa mort prochaine. Une visite qui a assurément dû l’empêcher de faire des rêves paisibles.
Cette transition était toute trouvée pour aborder un autre point intéressant : l’auteur Thomas Marlier raconte que la plupart des fantômes de l’Antiquité semblent faire leur apparition en rêve. Nombreux films d’horreur jouent également sur cette corde, rendant volontairement la frontière entre le rêve et la réalité trouble, jusqu’à ce que les deux se confondent. C’est ce qui se passe dans le très fameux « Les Griffes de la nuit » de Wes Craven (1984).

Et des gestes qui font frissonner
Vous me suivez toujours ? Tant mieux. Comme annoncé plus tôt, les esprits se font principalement voir et entendre. Mais, de petites exceptions impliquant le toucher ont tout de même existé. Eh oui, sans exception, c’est moins drôle. Ainsi, l’historien Ammianius Marcellinus écrivait que Gallus César subissait, dans ses rêves, les manifestations de ceux qu’il avait fait périr, ayant l’impression que les esprits le saisissaient pour « le livrer aux crocs des Furies ». Et, combien de films d’horreur ont cherché à effrayer le spectateur en propulsant le personnage en bas d’un escalier, agrippé par un fantôme ? Beaucoup, effectivement. On peut par exemple choisir la solution la plus facile en citant la franchise « Paranormal Activity » (Oren Peli, 2009), friande de ce genre de jumpscare.

Vampires & Cie
Evidemment, outre les fantômes que nous connaissons maintenant bien, d’autres êtres surnaturels trouvent racines dans l’Antiquité, à l’instar des vampires. La chercheuse Catherine Mathière nous propose notamment une petite plongée dans les origines des vampires, et nous emmène en Grèce antique. Par exemple, Lamia (ou Sybaris) est une créature mythologique buvant le sang et arrachant le cœur des hommes. Dans les films, le vampire est également un personnage terrible avec lequel les réalisateurs aiment jouer. Je me retiens de citer « Twilight » (simplement parce qu’il n’est pas assez horrifique), et évoquerai donc le film « 30 jours de nuit » de David Slade (2008).

Bien sûr, d’autres créatures pouvant apparaître dans les films d’horreur trouvent leur origine dans la mythologie antique. Par exemple, les redoutables sirènes sont les stars du film d’horreur musical (oui, on peut faire les deux) « The Lure » (Agnieszka Smoczyńska, 2015), mais ne sont pas des personnages récurrents du genre horrifique. Il est d’ailleurs intéressant de rappeler que les sirènes de la mythologie grecque sont mi femmes, mi oiseaux, contrairement aux sirènes de la mythologie nordique, plus proches des représentations actuelles.

La parenthèse de la fin
Pour terminer avec une dernière parenthèse, un autre film d’horreur possède des allures antiques sûrement malgré lui : il s’agit de « BrightBurn : l’enfant du mal » (David Yarovesky, 2019). Pourquoi ? Tout est dans le début du synopsis : « En pleine nuit, un couple fermier sans enfants découvre un bébé dans une capsule qui s’est écrasée dans leur propriété. Le garçon grandit et développe des capacités surhumaines. » Ces quelques lignes doivent sans doute vous rappeler les premières années de Hercule, le héros aux 12 travaux. Cependant, la suite du résumé fait prendre au film une toute autre tournure lorsqu’il est stipulé que le garçon se met ensuite à s’en prendre à ceux qui l’ont tourmenté. En bref, si Hercule avait mal tourné, les deux personnages auraient pu ne former qu’un.

En conclusion, peu importe ce que vous prévoyez de regarder pour frissonner en ce 31 octobre, il y a de fortes chances pour que l’Antiquité soit à vos côtés (et c’est tant mieux). Alors, passez une bonne soirée d’Halloween, et à très vite !